Lors d’un précédent article, je racontais l’émergence, la vie et la disparition d’un Jardin Solidaire (Paris 20e) unique en son genre, à l’occasion de la parution du livre de son créateur Olivier Pinalie. A partir de 2005, après plusieurs années d’occupation de cette grande friche par les habitués et les habitants du quartier, la mairie finit par reprendre possession de la parcelle dans le cadre d’un projet de construction d’un gymnase.
Un compromis semble être trouvé : le toit du gymnase sera aménagé pour accueillir un jardin partagé, auquel les occupants du Jardin Solidaire pourront prendre part. Mais ceux-ci regrettent la reprise institutionnelle de leur démarche et préfère se dessaisir du projet. La construction poursuit malgré tout son cours : en 2009 ce gymnase végétalisé sort de terre. Environ 600 m² de bacs cultivables sont disponibles sur le toit, auquel on accède depuis la rue par un petit escalier et un ascenseur. Une oasis insoupçonnable, dans ce quartier pauvre en espaces verts !
Une co-gestion associative
Pour animer ce nouveau jardin, la Ville en confie la gestion à l’association Arfog-Lafayette. Cette association est notamment à l’origine des Jardins du Béton, un programme qui propose depuis 1999 de contribuer à la réinsertion sociale de personnes isolées par la pratique collective du jardinage. Grâce à l’embauche d’une animatrice à plein temps, de nombreux ateliers se mettent en place pour faire vivre le jeune Jardin sur le Toit, à destination des adultes, scolaires, instituts médico-éducatifs et aux résidents de maisons de repos. Lieux de mixité sociale et intergénérationnelle, ces activités organisées par l’association rassemblent des dizaines de participants.
Valérie Navarre, coordinatrice des Jardins du Béton, explique que « les personnes ont souvent des a priori tenaces, elles imaginent qu’elles vont avoir à faire à des gens sortant de prison… Réunir différents publics autour d’activités communes permet aussi de casser des préjugés ». En plus d’éveiller les consciences sociales et écologiques, l’association amène les usagers à découvrir les bienfaits d’une alimentation variée et équilibrée : des repas collectifs sont cuisinés à partir des récoltes et dégustés dans le local de l’association attenant au gymnase.
Responsable du Jardin sur le Toit pendant la semaine, Arfog-Lafayette passe le relais de sa gestion à une association d’habitants du quartier le week-end : le collectif du Jardin Perché organise lui aussi des événements autour du jardin et joue un rôle essentiel dans l’entretien des parcelles, particulièrement lors des vacances scolaires. Portes ouvertes, rencontres, bricolage à partir de matériaux de récupération sont organisés sur le toit du gymnase pour inciter les nouveaux-venus à découvrir le lieu.
Le Jardin sur le Toit a trouvé sa place
Le site présente de nombreuses contraintes, notamment à cause de son exposition permanente au soleil et au vent. Les jardiniers ont compensé la chaleur provoquée par la réverbération de la lumière par la construction collective d’une pergola qui permet de s’abriter, en particulier lors de la période estivale. Le lieu est peuplé des nombreux ajouts des écoles et des jardiniers : épouvantail, hôtels à insectes, bancs, etc. Les usagers se sont appropriés le lieu : depuis 2009, les parcelles ont changé, les cultures et les pratiques varient, jusqu’à la mise en place d’espaces d’expérimentations en permaculture.
Ce n’est plus le projet éco-citoyen et auto-géré lancé par Olivier Pinalie, mais le Jardin sur le Toit a trouvé sa vocation et constitue un vrai lieu de rassemblement pour ses différents publics. Le projet est financé et porté par la mairie, mais ce sont les associations locales qui font la différence par leur capacité à rassembler des participants et à créer du lien entre eux. Sur les vestiges du Jardin Solidaire, on assiste au passage à une nouvelle époque pour les jardins partagés, reconnus d’utilité publique par les collectivités et davantage institutionnalisés. Mais ils n’en perdent pas pour autant leur caractère spontané dans les choix quotidiens des usagers.
Crédits : Arfog-Lafayette, Kiagi
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