Recréer un sol pour cultiver en ville : la méthode des lasagnes

J’ai le plaisir de vous présenter un projet sur lequel nous travaillons au sein de l’association Urbanescence sur les rails de la Petite Ceinture, dans le 13ème arrondissement de Paris. Créateurs de liens au service de la transition écologique et solidaire des villes, Urbanescence accompagne des initiatives participatives pro-biodiversité visant à reconnecter les citadins à la nature.

13’Infuz – Les tisanes de la Petite Ceinture

Ce projet, c’est d’abord une tisanerie : un endroit où l’on fait pousser des plantes aromatiques et médicinales pour y confectionner des infusions. L’idée est de proposer à la vente des tisanes saines et vertueuses à prix accessibles pour tous les publics, produites localement et sans pesticides, ainsi que des ateliers pour apprendre à faire pousser et transformer des plantes médicinales simples telles que la menthe poivrée, la mélisse, la sauge… Grâce à notre partenaire Sylki, nous allons également faire pousser du houblon tout le long des murs qui encadrent la parcelle.

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Installer sa ruche en ville : mode d’emploi

Vous avez une âme apicole mais vous habitez en ville ? Rien n’empêche de vous lancer ! Avoir une ou deux ruches sur son balcon est tout à fait faisable, il faut simplement bien se préparer et connaître quelques règles de base.

Choisir son emplacement

En premier lieu, il est évidemment nécessaire d’avoir accès à un espace extérieur : cour, terrasse, balcon, jardin, toit (si vous avez l’autorisation d’y accéder)… N’oubliez pas cependant de vérifier si votre copropriété règlemente l’installation de ruches ou de prévenir les voisins, pour ne pas avoir de mauvaises surprises. Pensez au bien-être des abeilles pour choisir un environnement calme, ensoleillé (l’orientation Sud-Est est idéale), à l’abri du vent, et dégager l’espace devant l’entrée de la ruche pour leur permettre d’aller et venir librement et sans vous déranger. On place généralement l’entrée des ruches en bordure extérieure du balcon, de la terrasse ou du jardin.

En termes de réglementation, la loi est simple. Vous pouvez installer votre ruche où vous le souhaitez à partir du moment où vous respectez la contrainte d’avoir une clôture (mur occultant, palissade, haie…) de 2 mètres de hauteur et longue de 2 mètres de part et d’autre de la ruche.

En présence d’une clôture, la ruche peut être installée à 2 mètres des voisins
© CAUE 54

Pour assurer un maximum de chances de survie à la ruche, il peut être judicieux de vérifier qu’il n’y en a pas d’autre à proximité. Comme évoqué dans un précédent article, les ruches se sont tellement développées en ville que les abeilles domestiques et les pollinisateurs sauvages risquent de se faire concurrence dans un tissu urbain très dense : implanter une ruche dans un périmètre où il y en a déjà 5, 10 ou 40 n’est vraiment pas souhaitable. Cela multiplie en plus les risques de propagation des maladies d’une colonie à l’autre.

Pratiquer une apiculture simple et naturelle

Ruche Dadant

La grande majorité des apiculteurs professionnels français utilisent des ruches Dadant ou Langstroth : ce sont des modèles conçus pour produire beaucoup de miel mais qui demandent aussi de nombreuses interventions et du matériel (extracteur…). Ces ruches ne sont pas les plus faciles à appréhender et dans le cadre d’une apiculture de loisir, il est plus approprié de s’orienter vers une apiculture dite naturelle. Cette apiculture est calquée sur le mode de vie de l’abeille mellifère à l’état sauvage : des ruches aux dimensions adaptées, le moins d’interventions possibles et la récupération de l’excédent de miel produit par les abeilles, sans stress inutile.

Pour pratiquer l’apiculture naturelle, on peut utiliser des ruches horizontales (la plus connue étant la kényane) ou une ruche Warré. Cette dernière est non seulement simple à fabriquer et à utiliser, mais elle respecte le mode de vie de l’abeille à l’état sauvage en reproduisant la forme d’une cavité de tronc d’arbre dans laquelle une colonie aime s’installer. Le modèle Warré est le plus accessible pour démarrer dans l’apiculture, il s’agit de petits éléments (35x35cm), tous identiques et empilés. Il est possible d’obtenir des ruches vitrées à l’arrière, ce qui permet d’observer les abeilles toute l’année !

Les ruches Warré vitrées de Diane Jos, apicultrice parisienne

La première étape une fois que l’on a acheté sa ruche est bien sûr d’obtenir un essaim, une colonie. Il est possible d’en récupérer dans la nature aux mois d’Avril-Mai avec l’aide d’un apiculteur déjà expérimenté. Sinon, on en achète auprès de boutiques spécialisées ou chez l’apiculteur en précisant le type de ruche utilisé (Dadant, Warré, kenyane…).

L’apiculture naturelle a l’avantage de ne nécessiter que 4 ou 5 interventions par an pour vérifier que tout se passe bien dans la ruche, s’assurer que la colonie est suffisamment équipée pour passer l’hiver et bien sûr récolter le miel si vous le souhaitez (en garantissant d’abord que le prélèvement du miel n’affectera pas le bien-être de la colonie). Si le cycle d’entretien de la ruche n’est pas contraignant, il est tout de même nécessaire d’avoir acquis les bases de l’apiculture avant de se lancer notamment par une formation.

La clé : se former, même en une seule journée

Si votre objectif est d’installer rapidement une ou plusieurs ruches Warré afin de pratiquer l’apiculture naturelle, je vous recommande fortement la formation que j’ai suivie avec Olivier Duprez et Diane Jos. Dans un cadre idyllique sur les toits de Paris (il est également possible de suivre le stage en Normandie) et en l’espace d’une journée, on apprend tout ce qu’il est nécessaire de savoir sur l’abeille, la colonie, la ruche et la récolte du miel. Loin des discours technicistes et de l’entre-soi, la formation est incroyablement efficace : on en ressort en confiance et on a surtout envie de se lancer !

Une formation efficace et conviviale

L’ambiance est en plus très conviviale, Olivier et Diane étant des personnes chaleureuses. Le plus gros de la formation se déroule en salle pour la théorie : l’approche est très progressive et l’itinéraire pédagogique bien rôdé. Et pour la partie pratique, on a la chance d’avoir à disposition les ruche de Diane pour observer les abeilles là où elles en sont dans leur cycle en fonction de la saison.

Olivier Duprez, apiculteur pédagogue

Avec ou sans la formation, le livre écrit par Diane Jos et Olivier Duprez, L’apiculture naturelle pour les débutants paru aux éditions Ulmer en 2017, est un indispensable pour se lancer !

L’éco-pâturage : pourquoi et comment s’y mettre ?

Depuis le 1er janvier 2017, toutes les collectivités françaises ont dû renoncer à l’utilisation de pesticides pour entretenir leurs espaces verts. Si certaines s’y étaient préparées depuis plusieurs années, la règle du « zéro phyto » reste un bouleversement pour la plupart des services techniques qui doivent repenser leurs modes de gestion des espaces publics (cet article à lire sur le sujet). Dans ce contexte, l’éco-pâturage trouve toute sa place. Comme l’ont expérimenté certaines villes pionnières depuis les années 1980, faire pâturer du bétail dans les parcs et jardins s’est imposé comme l’un des moyens les plus économiques, écologiques et sympathiques de gérer les espaces verts. Près de 300 collectivités se sont converties à l’éco-pâturage entre 2000 et aujourd’hui : quels avantages y trouvent-elles, et comment le développer sur son territoire ?

Les raisons du succès de l’éco-pâturage

L’éco-pâturage est tout d’abord une solution idéale pour la tonte d’espaces verts vastes et comprenant des zones difficilement accessibles : un petit troupeau de moutons ou de chèvres s’en accommodera bien mieux que les équipes techniques à l’aide de leurs tondeuses. En termes de charge de travail et de confort, il faut ajouter que l’éco-pâturage permet d’éviter la production et l’évacuation de déchets verts, et qu’elle épargne aux équipes techniques et aux résidents le bruit des engins.

En ce qui concerne la préservation ou la restauration de la biodiversité locale, faire paître un troupeau présente aussi des qualités non négligeables. L’action des animaux permet d’endiguer le développement d’espèces envahissantes et à développement rapide, et de favoriser une plus grande hétérogénéité de la flore locale. L’éco-pâturage s’est par exemple révélé être un fabuleux outil contre le développement de la renouée du Japon, une espèce exotique qui a colonisé les espaces verts français et très difficile à maîtriser avec des moyens conventionnels. De plus, les déjections des animaux jouent un rôle fertilisant puissant et créent des micro-habitats précieux pour le développement de champignons notamment.

Enfin, l’une des raisons qui poussent les collectivités à adopter l’éco-pâturage se trouve dans les interactions sociales positives que ce mode de gestion provoque. Du côté des équipes techniques, avoir la charge d’un troupeau permet de développer de nouvelles compétences et de diversifier les tâches quotidiennes. Mais c’est surtout du côté des usagers que la magie opère : voir des animaux pâturer en pleine ville provoque beaucoup d’enthousiasme chez les habitants (petits et grands), et permet de développer une communication positive autour de la gestion des espaces verts. De nombreuses collectivités se font interpeller depuis la loi « zéro phyto » par des usagers qui considèrent que les trottoirs enherbés et les prairies non fauchées « ne font pas propre », « sont mal entretenus »… Développer l’éco-pâturage est un excellent moyen de rétablir une communication positive et constructive sur l’évolution des pratiques de gestion des espaces verts.

Prendre en compte les caractéristiques du territoire et le degré d’investissement souhaité

La mise en place de l’éco-pâturage sur un territoire ne peut se passer d’un suivi par un professionnel du domaine. Il existe aujourd’hui une vingtaine d’éleveurs et d’associations proposant leurs services pour accompagner les collectivités dans leur démarche.

Le choix du nombre et des espèces à adopter sur son territoire va dépendre de plusieurs facteurs :

  • La situation géographique et les conditions climatiques : on privilégiera dans tous les cas des espèces rustiques. Qu’il s’agisse d’ovins, de caprins, de bovins ou d’équidés, les espèces seront choisies pour leur autonomie, leur résistance aux températures extérieures et leur capacité à s’adapter à la quantité de nourriture disponible pour permettre une charge d’entretien moindre. Mais on compte de très nombreuses espèces rustiques, et une attention particulière devra être portée sur la pertinence de l’origine de l’espèce et le respect du biotope : on s’installera pas des chèvres de Lorraine dans le sud de la France…
  • Les types d’espaces publics à entretenir : s’il s’agit uniquement de faire de la tonte de pelouse, à peu près toutes les espèces pourront faire l’affaire. Mais si l’éco-pâturage concerne des friches, des prairies, des vergers ou des berges, il est nécessaire de faire un diagnostic attentif avec le professionnel accompagnant pour qu’il puisse déterminer quelle espèce sera la plus à même de répondre à ces besoins sans risque de dégradation des espaces et des ressources naturelles.
  •  Les surfaces disponibles pour le pâturage : dans le même temps le professionnel conseillera, selon la surface totale disponible pour le bétail, combien d’individus composeront le troupeau. Si la surface est très réduite, on pourra troquer les brebis, chèvres, ânes ou vaches contre quelques oies ou canards.

Une fois tous ces éléments déterminés, plusieurs formules économiques pourront être envisagées. Le meilleur retour sur investissement reste l’achat d’un troupeau : à titre indicatif, l’achat de 12 moutons et les soins associés reviennent au bout de 10 ans à environ 2 000€, là où un mode gestion classique de tonte ou de fauche mécanique pour la même période avoisine les 10 000€ (en comptant le matériel, l’essence, le temps de travail…). Si la collectivité achète son propre troupeau, elle devra s’assurer que plusieurs agents seront bien formés au suivi des animaux et en capacité de leur administrer les soins nécessaires.

La plupart des collectivités préfèrent passer par une phase-test durant laquelle elles louent un troupeau à une association ou une entreprise spécialisée qui assure l’installation et le suivi sanitaire des animaux. Il est également possible de déléguer intégralement la prestation à ces structures, moyennant un coût plus élevé.

Quelques points de vigilance

Installer des animaux sur l’espace public n’est pas anodin : il est primordial de s’assurer avant tout de leur bon traitement et de la qualité de leurs conditions de vie. Cela passe par la délimitation d’espaces dédiés au troupeau qui doit pouvoir être libre de se situer hors de portée des usagers si besoin. Les réactions des adultes et des enfants peuvent être imprévisibles, et il ne s’agit pas de générer du stress chez ces animaux.

Au-delà de l’interdiction d’utilisation de produits phytosanitaires sur les espaces verts, une attention particulière devra être portée sur la limitation des médicaments administrés aux animaux. Les substances contenues dans ces médicaments se retrouveraient dans le sol, l’eau et la flore des parcelles pâturées via les déjections des animaux. Hormis les vaccins, aucun traitement préventif ne doit être donné au troupeau. Lors des périodes de soins nécessaires, il est plus prudent de ne pas laisser les animaux concernés pâturer n’importe où durant la durée du traitement.

Enfin, il est primordial d’observer l’évolution du troupeau sur le territoire. Il est toujours possible de réajuster la formule choisie : faut-il ajouter des individus pour couvrir la surface souhaitée ? Ou faut-il au contraire restreindre le nombre d’animaux, s’ils semblent ne pas avoir suffisamment de pâtures ? S’engager dans une démarche d’éco-pâturage demande un temps d’adaptation et de surveillance nécessaire à la suite du processus. Une fois la première saison passée en compagnie des troupeaux, les collectivités sont en général très au clair sur les ajustements à apporter et inscrivent de façon plus tranquille et pérenne ce nouveau mode de gestion dans leurs pratiques.

Semer des céréales en ville, l’idée qui germe

Des boulangeries à tous les coins de rue, voilà un paysage bien connu des citadins français. Mais on a finalement peu l’occasion de s’interroger sur la provenance des farines utilisées à faire ce pain que nous achetons et qui reste un aliment essentiel de notre culture culinaire. Pas de bonne surprise de ce côté-là : la culture de céréales constitue un immense pan de notre production agro-alimentaire et à ce titre, l’utilisation massive de traitements phytosanitaires reste la norme. Sans compter que les grains destinés à être moulus pour fabriquer la farine sont stockés dans d’immenses silos eux-même tapissés de produits chimiques, pour éviter l’invasion de parasites.

Alors on connaît bien quelques irréductibles qui font le déplacement jusqu’à leur boulangerie Bio fétiche. Mais dans ce cas-là aussi les champs de blé paraissent bien lointains : peu de citadins viennent à s’intéresser aux conditions de production et de fabrication de la farine et du pain. C’est précisément ce qui a poussé quelques porteurs de projets innovants à créer des micro-cultures de céréales dans ville et à imaginer des programmes pédagogiques pour les citadins. On a bien fait venir les potagers sur les toits et les balcons, pourquoi ne pas faire une place aux céréales ?

Ce qui ressort de ces projets, c’est que semer des céréales en ville permet non seulement de dialoguer collectivement sur des sujets souvent éloignés des préoccupations des citadins, mais c’est aussi un moyen de s’engager dans une démarche participative longue et variée. Parce qu’il y a d’abord le semis des graines, puis la culture, la récolte, la fabrication de la farine, et enfin la confection et la cuisson du pain qui deviennent de grands moments de convivialité. Manger un pain 100% local s’avère être une belle source de motivation pour les habitants du quartier.

À La Villeneuve, le blé créateur de cohésion sociale

La Villeneuve est un quartier de Grenoble surtout connu pour avoir été le lieu de violences et d’émeutes importantes. Né d’une vaste opération urbaine des années 1970, ce grand ensemble a isolé des populations socialement vulnérables du reste de la ville et de ses opportunités. Mais malgré tout, les choses bougent ! La Régie de Quartier “La Villeneuve-Village Olympique”, une association destinée à améliorer le cadre de vie des habitants, compte parmi les plus actives en matière de développement durable. Financé par la collectivité, le projet Du Blé au Pain est lancé en 2013 : 400 m² de blé sont semés dans le parc central de la cité. Profitant de cette opportunité pédagogique, trois écoles du quartier ont participé au semis et à la réalisation d’une exposition portant sur l’agriculture et l’alimentation.

Confection et cuisson du pain de La Villeneuve

C’est bien l’objectif principal de la démarche Du Blé au Pain : interpeller les citadins sur les modes de production de notre alimentation en les invitant à observer le long processus de transformation de la graine en farine. Une réflexion qui se veut collective, puisque la récolte des céréales s’accompagne d’une fête des Moissons dans le courant de l’été où sont proposées des démonstrations de fauche traditionnelle et un atelier de cuisine “Pains du monde” autour d’un four à pain mobile. On comprend bien la volonté de la Régie de quartier de faire dialoguer des voisins qui ne se connaissent pas toujours autour de questions susceptibles de les rassembler. Et ça fonctionne : en 2016, la fête des moissons a encore gagné en notoriété.

Graine de Quatorzien : redécouvrir le pain quotidien

Dans le 14ème arrondissement de Paris, l’association Florimont est bien connue : comptant aujourd’hui 11 salariés, elle est à l’origine de nombreux projets dont une ludothèque de quartier, un programme d’assistance aux associations pour la création d’emplois, et apporte un soutien aux habitants dans des domaines divers, y compris l’utilisation des nouvelles technologies. Isabelle Armour, engagée dans l’association depuis près de dix ans, a constaté que les jeunes générations avec lesquelles elle travaillait semblaient accorder peu d’importance à leur alimentation, sa provenance, sa production et ses impacts sur leur santé. Elle a ainsi imaginé et créé le projet Graine de Quatorzien, qui propose de planter des micro-parcelles de céréales (1 m² chacune) partout dans l’arrondissement. Dès la première année en 2015, ce sont 40 sites qui ont bénéficié des graines fournies par Isabelle : jardins publics, privés, écoles, centres d’animation et hôpitaux se sont engagés à semer ces céréales.

Isabelle Armour

Pour Isabelle, il s’agit de sensibiliser les usagers à la diversité des semences et aux céréales méconnues. Se fournissant auprès de Graines de Noé, une association de sauvegarde des céréales paysannes et anciennes, les micro-cultures de Graine de Quatorzien sont très diverses : orge noir, amidonnier, blé rouge, épeautre, quinoa… C’est une surprenante diversité de formes et de couleurs lorsque les céréales arrivent à maturité, loin de l’image aseptisée des champs de blé ruraux. Au-delà de la qualité des cultures, la quantité est aussi au rendez-vous, puisqu’on récolte en moyenne dix fois ce qui a été semé. Un rendement qui n’est pas destiné à nourrir des familles au quotidien, mais qui permet d’animer des ateliers autour de la transformation de la graine en farine et de fabriquer des pains uniques. Isabelle intervient dans les écoles pour faire découvrir aux enfants le travail de meunier et les faire participer aux différentes étapes de fabrication. La Caisse des Écoles de l’arrondissement s’est également emparée de l’occasion pour proposer à la cantine des pains différents lors de la Semaine du Goût. Et parce que Graine de Quatorzien s’inscrit dans une réflexion globale, Isabelle a tenu à impliquer les boulangers du quartier qui partagent leur savoir-faire.

14556707_598134320369911_8726581024026171403_oSemer des céréales en ville permet de rassembler des usagers très divers autour de préoccupations communes et de faire découvrir des modes d’alimentation et de production agricoles alternatifs. Et c’est une démarche facile à mettre en place puisque selon Isabelle, le seul coût de ce projet est la rémunération d’un salarié. En effet, les graines peuvent être données ou troquées et la récolte est très facile sur des petites parcelles.

Je vous encourage à aller constater par vous-mêmes : demain se tiendra le Banquet des Pains au siège de Florimont ! L’occasion de découvrir le projet, de rencontrer du monde et surtout de participer aux nombreux ateliers proposés par l’association. Et vous pouvez même amener une boule de pain, il y aura un four à pain et des boulangers volontaires pour vous le cuire ! Miam.

affiche banquet des pains

Crédits : Séverine Cattiaux et Yuliya Ruzhechka, Place Grenet, Florimont

La résistance végétale de Guérilla Gardening

Devenir acteurs de la ville en la végétalisant, c’est la proposition de Guérilla Gardening. Ces révolutionnaires de l’urbain ont bien des moyens pour se réapproprier l’espace public et contribuer à rendre nos villes plus vertes !

Militer en végétalisant, végétaliser en militant

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Les bombes de graines sont faciles à disperser partout dans la ville

Le mouvement Guérilla Gardening naît dans les Etats-Unis en crise des années 1970 alors que de nombreux immeubles new-yorkais abandonnés par leurs propriétaires sont détruits par la municipalité, laissant de vastes parcelles à l’abandon. Liz Christy, une habitante de Manhattan, propose à ses amis de végétaliser ces espaces délaissés et inoccupés de la ville. Elle a l’idée de confectionner des bombes de graines (seed bombs) à jeter par-dessus les palissades des friches. Les graines prennent, les plantes poussent et se ressèment, transformant l’espace public et le cadre de vie des habitants du quartier. Face au succès de l’initiative, les guérilleros s’installent sur une parcelle de 90 m² pour y jardiner et cultiver leurs propres légumes. Ce sera la naissance du premier jardin communautaire.

Depuis les années 2000, la “green guérilla” connaît une seconde vie en Europe, sous l’impulsion d’une autre icône : le Londonien Richard Reynolds. Souffrant du manque d’espaces verts dans son quartier, il s’est mis en tête de les créer seul avec sa pelle. Le voilà qui plante des tournesols sur des îlots de ronds-points et des choux au pied de son immeuble. Grâce à son blog créé en 2004, il réunit autour de lui une communauté internationale de citadins qui ont envie de renouer avec la terre et d’embellir leurs villes. En France, les actions se sont multipliées à Paris, Rennes, Grenoble, Lyon et Bordeaux : la Guérilla Gardening constitue un vrai levier d’action pour les citadins en quête de végétalisation.

Aux armes, citadins !

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Tag en mousse réalisé par un guérillero jardinier

La filiation révolutionnaire affichée de ce mouvement peut faire sourire : après tout, il ne s’agit que de planter des fleurs et des légumes au pied de son immeuble. Mais le terme de “guérilla” représente d’abord la remise en question d’un ordre établi et la multiplication d’actions spontanées et sporadiques pour s’y opposer. Et c’est bien ce que propose ce mouvement : refusant toute forme d’organisation officielle, de subventions ou de partenaires privés ou publics, Guérilla Gardening est un collectif mouvant, intrinsèquement indépendant, qui valorise les actions individuelles ou en petits groupes. Il invite chaque citadin à se questionner sur la structure de la ville et sa construction, afin de se réapproprier l’espace public et d’y apporter sa signature. Vous voulez prendre les armes ? Guérilla Gardening a tout un arsenal à vous proposer : tags en mousse, bombes de graines, végétalisation du mobilier urbain… Des astuces et des tutoriels sont même disponibles sur leur site.

La démarche est donc illégale : les guérilleros n’attendent pas l’autorisation du propriétaire des lieux pour jardiner dans un espace urbain délaissé, qu’il soit public ou privé. Guérilla Gardening revendique cette liberté de pouvoir verdir n’importe quelle parcelle, et d’y implanter aussi des usages. Car jardiner, ça rassemble : comme en témoigne l’évolution du Jardin Afghan aménagé par les militants parisiens, ce triangle de terre autrefois sans vie est aujourd’hui un espace de rencontre et de sociabilité pour les habitants du quartier Jaurès. Guérilla Gardening contribue par ses projets à sensibiliser les citadins aux enjeux environnementaux de la végétalisation de la ville par l’organisation d’évènements et de rencontres ouverts à tous.

Enfin, la guérilla jardinière se rebelle contre les géants de l’agro-alimentaire. En promouvant les semences légumières locales et adaptées au contexte urbain, le mouvement encourage l’autonomie alimentaire. Comme le propose le célèbre “gangster jardinier” Ron Finley, il est possible de reprendre le contrôle de son alimentation en plantant soi-même ses fruits et légumes dans les espaces vacants de la ville. Cet habitant du quartier populaire de South Central à Los Angeles a initié un mouvement inédit d’agriculture urbaine clandestine, encourageant les jeunes à se soucier de leur alimentation et de sa provenance. Une résistance contre la malbouffe qui a enthousiasmé des porteurs d’initiatives partout dans le monde.

Que penser de la réappropriation de cette démarche par les collectivités ?

En 2015, la mairie de Paris a lancé le Permis de végétaliser : désormais, tout Parisien peut adresser une demande en ligne pour jardiner sur l’espace d’un pied d’arbre ou d’un petit bout de trottoir appartenant à la collectivité. La municipalité s’engage à répondre en moins d’un mois, fournissant même un kit de plantation aux citadins demandeurs. D’autres initiatives de ce genre ont germé dans les grandes villes françaises récemment, comme le Visa vert de Marseille ou la Convention de végétalisation de Strasbourg. Directement inspirées des mouvements citoyens tels que Guérilla Gardening, ces collectivités ont voulu favoriser la démarche de végétalisation de la ville en légalisant les processus d’appropriation de l’espace public.

Le permis de végétaliser offre aux citadins la possibilité de s’approprier l’espace public pour jardiner (ici quai de Valmy, dans le 10e arrondissement)

Mais s’agit-il vraiment de la même démarche ? Le fait même de réglementer les actions citoyennes de végétalisation remet le pouvoir d’aménager la ville entre les mains de la collectivité, et va ainsi à l’encontre des revendications de Guérilla Gardening. La mairie donne la possibilité aux habitants d’intervenir dans la ville, mais toujours sous son autorité.

Alors doit-on s’opposer aux initiatives municipales telles que le Permis de végétaliser ? Chacun se fera son avis, mais je crois que les avancées des grandes villes sur ce sujet sont surtout à encourager. D’une part, le fait d’autoriser l’intervention des habitants dans l’espace public prouve l’évolution des mentalités, y compris des aménageurs professionnels de la ville. De plus en plus ouvertes aux innovations sociales et environnementales initiées par les citadins, les collectivités montrent qu’elles sont prêtes à y accorder une réelle importance et à s’en inspirer. D’autre part, cette volonté des municipalités permet la naissance d’un mouvement de plus grande ampleur : si certains habitants peuvent être freinés par l’aspect illégal des actions de Guérilla Gardening, les propositions telles que le Permis de végétaliser représentent des leviers d’actions plus accessibles, qui permettent d’impliquer tous les publics. Et c’est uniquement par ce biais que l’on pourra sensibiliser largement les citoyens aux enjeux environnementaux que rencontrent les villes.

Enfin, je pense que les actions des collectivités et celles de Guérilla Gardening ne sont pas incompatibles, et même complémentaires : c’est bien au citadin de faire son choix et de déterminer par quel biais il deviendra acteur de la ville durable. L’essentiel est de lui en donner les moyens !

Crédits : Guérilla Gardening, Sain et Naturel