Un lieu seul, si beau soit-il, ne suffirait pas à créer un jardin partagé. La véritable essence du projet est bien sûr le groupe de personnes mobilisé autour de cet espace commun. L’essentiel pour que tout se passe bien étant de poser des règles de vie communes assez tôt.
Recruter les participants
Avant même de faire les premiers semis, les collectivités ou les bailleurs encouragent les volontaires à se manifester pour prendre part au projet de jardin et à construire ensemble leur mode de fonctionnement. Certaines mairies demandent même à ce qu’une association soit déjà constituée pour donner accès aux lieux. Une phase qui peut s’avérer longue et laborieuse pour de habitants qui ne se connaissent pas !
La première étape est donc l’appel aux volontaires. Peut-être que le propriétaire du terrain (collectivité ou bailleur) s’en chargera via ses outils de communication ou que quelques habitants porteurs du projet seront missionnés pour passer le mot aux voisins des résidences alentours. Dans tous les cas, il y aura une première rencontre qui sera pour chacun l’occasion de se faire une idée du projet, des personnes impliquées et de décider si cela correspond ou non à ses attentes.
A partir du moment où un petit groupe de personnes est mobilisé (généralement autour de 10 ou 15 habitants du quartier), il est primordial d’aborder ensemble la question des motivations. Que cherchez-vous dans ce projet ? Un lieu pour jardiner, discuter, faire connaissance, organiser des moments festifs ? Comment l’imaginez-vous, aujourd’hui et plus tard ? Toutes ces questions permettront déjà de mieux connaître les personnes en face de vous, repérer les affinités ou les points de désaccord qui pourraient émerger, mais surtout de commencer à esquisser un lieu qui vous donne envie.
Dessiner le jardin collectivement
Il est maintenant temps de se mettre autour d’une table et de parler de l’aménagement de votre futur jardin. Munissez-vous d’un plan sur lequel vous pouvez vous appuyer pour réfléchir collectivement. D’abord, il est essentiel de prendre en compte les installations présentes sur le site et les aménagements qui sont envisagés par le propriétaire du terrain : où se trouve le point d’accès à l’eau ? Y a-t-il un lieu de stockage du matériel ? Une serre pour les semis ? Existe-t-il une ou plusieurs entrées sur le terrain et faut-il privilégier tel ou tel cheminement ?
Une fois ces premiers éléments fixés sur le plan, il est temps de parler de l’emplacement des parcelles de culture. Que ce soit dans le cas de parcelles individuelles (chacun jardine sur sa propre parcelle), un système entièrement collectif (tout le monde jardine sur toutes les parcelles), ou une organisation hybride (en plus de parcelles individuelles, une grande parcelle collective est entretenue par tous), il va falloir s’organiser. Si la collectivité est fortement impliquée dans le projet, elle peut vous soumettre différents cas de figure ou faire un certain nombre de choix pour vous. Mais l’essentiel pour vous, en tant que groupe d’habitants qui portera le projet, est d’évoquer toutes ces questions ensemble pour se mettre d’accord sur les grandes lignes du fonctionnement du jardin.
Cette phase de co-construction du projet est l’une des plus délicates, car il faudra simultanément apprendre à se connaître entre participants, prendre en compte les volontés individuelles et s’accorder sur une démarche collective et des règles de vie qui l’accompagnent. Si vous ne bénéficiez pas d’accompagnement par la collectivité ou le bailleur, il est possible de demander à faire appel à des structures extérieures qui accompagnent ce type de projets. En Île-de-France, l’association Graine de Jardins propose depuis plusieurs années de suivre la création et la gestion de nouveaux jardins partagés. Si vous souhaitez plutôt concevoir le jardin à l’aide d’une méthode de design en permaculture, votre choix pourra se porter sur l’association Urbanescence, spécialiste de ces questions. Ces prestations ayant un coût, c’est généralement le propriétaire du terrain qui accepte ou non d’investir dans ces solutions.
Vers l’association et l’auto-gestion
Au terme de ce travail et de ces temps d’échanges, le groupe aura déjà changé. Certains se seront désistés, d’autres auront trouvé leur place au sein du « noyau dur », et vous aurez peut-être aussi de nouvelles têtes à inclure dans le projet. A l’issue de la phase de réflexion sur l’aménagement du jardin, vous aurez ainsi une composition assez fidèle de ce que sera votre groupe de participants. Généralement, c’est le moment où on signe un règlement intérieur : les signataires de ce document constituent le groupe mobilisé autour du jardin, au moins pour un temps.
L’important est de formaliser cette composition du groupe, de préférence par la mise en place progressive d’une association. La constitution en association peut intervenir à tous moments de la vie du jardin partagé (quelques semaines, mois, un an) et a plusieurs vertus : elle permet de parler de façon régulière des problématiques du jardin et d’attribuer à chacun une ou plusieurs responsabilités pour les gérer. Un.e président.e, un.e secrétaire, un.e trésorier.e… Tous ces rôles et surtout les discussions autour de ces rôles doivent permettre à chacun de prendre sa place, de formaliser auprès des autres son investissement et de répartir les tâches en cas de problème dans le projet commun, mais aussi pour construire de nouveaux défis pour le jardin (participation à des appels à projets, organisation d’événements, nouveaux aménagements, etc.) sur la durée. Certains jardins partagés font le choix de présidences tournantes ou d’un mode de gouvernance horizontal plutôt que pyramidal. Toutes les formules sont valables, à partir du moment où elles permettent de parler de l’avenir du jardin et du rôle que chacun souhaite avoir !
Et, point non négligeable, la constitution en association vous permettra d’être beaucoup plus indépendant vis-à-vis du propriétaire du terrain, que ce soit une collectivité ou un bailleur. Comme évoqué dans l’article consacré à la gestion du lieu, vous pouvez en tant qu’association avoir la preuve de votre occupation légitime du site via la signature d’une convention de mise à disposition du terrain, ce qui vous donne davantage de garanties juridiques. La constitution en association permettra par ailleurs de toucher des subventions diverses (renseignez-vous auprès de la Ville, de la Région, de certaines Fondations) et de vendre des produits pour réinvestir dans du petit matériel ou de nouveaux aménagements.
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