Dans les années 1950-1970, la construction rapide et massive de logements sociaux a donné lieu aux grands ensembles, ces tours aujourd’hui vivement critiquées pour leur insalubrité et l’exclusion sociale qu’elles représentent. L’architecture des résidences a depuis largement évolué, et les quartiers les plus défavorisés font l’objet d’opérations de renouvellement urbain menées par l’État et les collectivités locales. Lorsqu’elles ne sont pas détruites, les tours peuvent être repensées et réaménagées pour devenir des lieux de vie plus agréables.
C’est dans le cadre de cette réhabilitation des grands ensembles – et aussi de résidences plus petites – que les jardins deviennent des outils précieux pour les bailleurs sociaux. À contre-pied de l’image grise et inaccueillante des barres d’immeubles, on voit fleurir des projets de jardins partagés destinés aux habitants et à la vie de quartier. Et c’est parce que les bénéfices sociaux que l’on peut en tirer pour les citadins sont considérables.
Redonner vie aux espaces délaissés
Dans un contexte urbain aussi dense, les jardins ont d’abord une valeur esthétique qui n’est pas à négliger : ils permettent de revaloriser des lieux communs souvent délaissés par les habitants (cours, esplanades…), et encouragent à leur entretien. En confiant aux habitants la responsabilité d’aménager et de cultiver ces jardins, on participe à la réappropriation d’espaces auparavant inanimés. Qu’il s’agisse de parcelles individuelles ou collectives, le jardinage permet également aux voisins de se rencontrer et d’échanger dans un lieu agréable, qui leur appartient.
Quoi de mieux pour créer non seulement du lien social au sein de la résidence, mais aussi une vie de quartier ? Les curieux viennent jeter un œil, on organise des événements festifs et des repas collectifs… Ou, comme dans le quartier de La Villeneuve (Grenoble), une grande fête des moissons pour célébrer la récolte des céréales, comme évoqué lors d’un précédent article.
C’est en jardinant qu’on apprend !
C’est ce pari du collectif que l’association Multi’colors a décidé de relever depuis sa création en 2003. Spécialisée dans la mise en place d’activités pédagogiques autour des jardins situés dans les cités parisiennes, Multi’colors a aménagé 14 espaces verts en faisant participer plus de 900 enfants. L’association a su voir, bien avant les nombreuses commandes des bailleurs sociaux, l’intérêt d’un tel projet : sensibiliser au plus jeune âge les citadins à la nécessité de restaurer la biodiversité en ville et leur permettre de prendre part à l’amélioration de leur cadre de vie. Pour des familles rencontrant des difficultés économiques et sociales, c’est aussi l’occasion de partager les quelques légumes cultivés et familiariser les plus jeunes à leur saisonnalité et leur diversité.
Et ces activités pédagogiques profitent à tout le quartier, comme en témoigne le projet de la Trame Verte Multi’colors. Des pots végétalisés sont installés sur les potelets anti-stationnement du quartier Saint-Blaise, dans le 20e arrondissement de Paris, reliant les espaces verts du quartier. Pour peindre ces pots et apporter de belles couleurs à la grisaille du quartier, l’association a fait appel à un collectif d’artistes. Un projet participatif à la fois écologique, social, esthétique et culturel.
Pour des projets pérennes, un accompagnement de terrain est nécessaire
Les bailleurs sociaux font souvent appel aux associations telles que Multi’colors pour porter les projets de jardins partagés, car un bon accompagnement des habitants s’avère indispensable pour pérenniser les aménagements.
L’association Halage, connue pour son expertise dans la mise en place de chantiers d’insertion, s’est récemment vue confier la gestion d’un jardin en pied d’immeuble du bailleur Paris Habitat, dans le quartier de la Porte de Clignancourt à Paris. L’animatrice de ce jardin, Margaux Servans Lessieu, nous explique en quoi consiste le rôle de l’association dans le processus de création du jardin partagé et comment elle travaille à son appropriation par les habitants de la résidence.
Pour impliquer les différents publics, jeunes et moins jeunes, et participer à l’émergence d’une émulation collective, un travail de terrain est donc nécessaire. Et c’est en permettant la prise en main de ces espaces par des associations locales que l’on aboutit à l’inscription de ces projets dans la durée.
Par l’opportunité sociale, pédagogique et culturelle qu’ils représentent, espérons que les jardins en pied de logements sociaux continueront à se développer, impulsés par l’engagement des bailleurs sociaux et des collectivités.
Crédits : Cyril Badet, Multi’colors, Halage
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